Travail : les impacts psychologiques de la COVID-19
J’ai écrit cet article en raison des nombreux échanges que j’ai pu avoir avec des collègues, des amis, des clients ou encore des patients qui évoquent un contexte professionnel, mais également personnel, tout autre que cette sérénité attendue. Je me suis alors interrogée sur ce qui se joue pour les salariés dans ce contexte si particulier.
Avant d’aborder les cinq points qui, à mon sens, se jouent dans le monde professionnel, il est important de noter que chaque individu, depuis des mois, est nourri quotidiennement par la peur et le conflit. A travers les réseaux sociaux, les médias, les affichages. Une peur qui est venue s’ajouter à l’épuisement professionnel et personnel. Selon une étude réalisée par le Cabinet Empreinte Humaine après plusieurs semaines de confinement, 44% des salariés sont en situation de détresse psychologique. Il ne faut donc pas oublier que cette reprise apparaît, pour beaucoup, dans un contexte de fragilité.
Comprendre ce qui se joue en 5 points
La date du 11 mai 2020 résonne pour tous les Français comme la date du déconfinement. Après deux mois de confinement vécus de façon très différente en fonction du contexte de chaque salarié, de chaque famille, l’Etat a appelé à une reprise progressive de l’activité. Un soulagement pour beaucoup mais une mise en pratique qui a rapidement confronté les salariés à une pression intense.
D’une part, les entreprises se sont retrouvées confrontées, pour la plupart, à un arrêt total de leurs activités pendant ces deux mois. Un arrêt total qui signe donc une perte économique considérable et une réévaluation des objectifs pour tenter de rattraper au mieux ce qui ne sera pas rattrapable ! D’autre part, des salariés, qui ont plus ou moins bien vécu cette période de confinement, ont du s’adapter pour répondre à cette pression économique de la part des entreprises tout en continuant à devoir s’occuper des enfants sur une partie de la semaine. Sans trop chercher à trouver des solutions ou à relativiser, nous comprenons bien que les salariés se sont retrouvés face à un mur, sans avoir le droit de s’y arrêter ! Ils ont tenté de grimper, de le contourner ou encore de passer à travers en mettant en place une énergie démesurée ! Epuisés, ils espèrent une reprise sereine, un retour à la normale, des enfants qui reprennent le chemin de l’école et un corps et un esprit libérés de cette période d’anxiété et d’investissement physique et psychologique intense !
Les 5 points essentiels à prendre en compte pour cette reprise économique
Anxiété face à la transmission
Le premier point qui m’est apparu au cours de ces dernières semaines est l’anxiété de certains salariés à l’idée de pouvoir attraper le virus sur leur lieu de travail ou encore dans les transports. Et bien souvent, cette anxiété est encore plus marquée pour les autres, pour l’entourage que pour eux-mêmes. Ils ne veulent pas être responsables de la contamination de proches qui pourraient être plus fragiles, ou encore, plus simplement, de la contamination de leurs enfants qui serait alors à l’origine d’une fermeture de classe ou d’école. Cette peur est légitime et, comme j’ai pu le relever plus haut, toujours nourrie quotidiennement par les informations transmises.
Lorsque les salariés arrivent en entreprise, l’employeur ne peut pas lui enlever cette peur, cette émotion que beaucoup s’attachent à cacher mais qui peut polluer leur activité. Néanmoins, il peut accompagner et rassurer afin de favoriser la prise de fonction en toute sérénité. Nous verrons dans la dernière partie ce qui peut être mis en place dans le cadre de l’organisation.
Rupture du lien social
Depuis le début du confinement, nous vivons également une rupture du lien social. Le confinement puis le déconfinement ont provoqué l’arrêt des relations humaines directes. Le télétravail a pris le dessus. Les salariés ont enchaîné les réunions en visioconférence et lorsqu’ils ont repris leur activité en présentielle, il a été exigé de porter le masque. Être présent, tout en respectant la distance avec les autres. Je reprendrai une citation d’Aristote : « L’Homme est un être sociable ; la nature l’a fait pour vivre avec ses semblables ». La situation actuelle exige de l’Homme de se comporter en opposition à sa nature profonde. Toute personne normalement constituée peut comprendre ou a pu déjà vivre les conséquences psychologiques et corporelles de cette contradiction.
Certaines entreprises mettent en place des apéros en visioconférence, des numéros verts ou des conférences en lignes pour prévenir les risques psychosociaux liés à ce contexte. Mais si une chose est essentielle pour les salariés en ces temps de distanciation, c’est le contact humain, direct et le sentiment de reconnaissance et de soutien des pairs et de la hiérarchie. Une fois encore, même en respectant les règles sanitaires imposées en entreprises, il est tout à fait possible pour l’employeur de privilégier ce lien et de le nourrir. Au-delà d’être possible, c’est à mon sens essentiel.
Inquiétudes économiques
Nous imaginions bien les impacts de deux mois d’arrêt pour la situation économique. Mais une part de nous se veut toujours positive afin de se préserver, de se rassurer. La réalité nous confronte semaine après semaine aux conséquences : les plans de sauvegarde de l’emploi commencent à tomber, les cessations d’activité et ce, quelle que soit la taille de l’entreprise.
Alors chacun d’entre nous, de façon légitime, a peur pour son emploi et craint de ne plus pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Au-delà du contexte économique sur lequel l’employeur n’a pas la main, il peut agir en offrant à ses salariés la possibilité d’exprimer leurs craintes, de les mettre en mots dans un cadre adapté.
Inquiétudes sur l’indisponibilité
Avec cette peur au ventre de perdre son travail, chaque salarié veut mettre en avant son investissement, ses compétences et sa disponibilité. Mais une fois encore, cette volonté est impactée par la crainte d’une fermeture d’école et donc par l’incapacité potentielle, pour le salarié, d’accomplir son travail malgré les objectifs importants.
Si je dois garder mes enfants et que je ne suis pas aux résultats attendus ou que je suis en incapacité totale de travailler ? Vont-ils privilégier les résultats dans la vague de licenciements ? Vont-ils privilégier les situations de famille ? Autant de questions qui peuvent vite envahir les pensées des équipes.
Équilibre vie professionnelle et vie privée
Il est admis depuis plusieurs années maintenant que empiétement du travail sur la sphère familiale et privée est source d’épuisement professionnel. Avant cette période de pandémie, le télétravail était en vogue de la part des salariés. Nous sommes passés d’une mise en pratique très restreinte dans les entreprises françaises à un télétravail généralisé pour tous et ce, sans préparatifs. En sachant que le télétravail peut conduire à une organisation pathogène, nous imaginons bien que cette mise en place en urgence a pu entraîner ces défaillances. Directives contradictoires, manque de marges de manoeuvres, difficultés voire impossibilité de se connecter aux outils de travail, absence de reconnaissance et de liens physiques avec ses pairs et sa hiérarchie, isolement, enfants à gérer en parallèle, autant d’éléments qui ont pu amener a se sentiment d’échec, d’inutilité propices à l’apparition d’un burn-out. En tant qu’employeur, il est essentiel de transmettre à ses équipes les règles nécessaires à la meilleure utilisation possible du télétravail. D’une part, pour éviter l’isolement et le surinvestissement mais également pour éviter un empiètement de la vie professionnelle sur la vie privée. Empiètement favorisé par cette recrudescence du télétravail.
Quelles actions mettre en place en tant qu’employeur ?
Une fois ces points abordés, nous sommes plus à même de comprendre ce qui peut se jouer pour les salariés en activité. Les organisations n’ont pas la main sur le contexte sanitaire, néanmoins elles peuvent agir pour développer le bien-être des collaborateurs, d’autant plus dans ce contexte de pandémie.
Agir, ça peut tout simplement être à travers les mots, les gestes et l’écoute que l’on peut apporter aux équipes. Agir, c’est mettre de côté l’idée si ancrée que les émotions doivent rester à la porte des organisations et, à minima, accepter qu’elles puissent être un frein à l’activité mais aussi et surtout une ressource. Agir, ça peut aussi faire appel à un psychologue du travail qui permettra aux équipes de travailler ensemble autour de l’activité, de reconstruire du lien.
Il existe une palette de possibilités pour accompagner cette reprise d’activité. La seule exigence repose sur la capacité des organisations à prendre conscience de ce qui se joue dans le contexte actuel pour leurs équipes et du rôle qu’ils ont à jouer dans cette transformation.
Pour aller plus loin : www.psychologue-lyon-lguias.fr
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